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La transmission aux petits-enfants selon le droit français

Avec l’allongement de l’espérance de vie, les enfants héritent de leurs parents à un moment où, bien souvent, leur propre patrimoine est déjà constitué et où ils n’ont plus vraiment un besoin économique de recevoir en totalité le patrimoine de leurs parents. A contrario, les petits-enfants peuvent avoir des besoins de financement pour constituer leur cadre de vie (résidence principale, études, etc.). Comment aider les générations futures ? Quelles précautions prendre pour maintenir l’harmonie familiale ?

Ce contenu s'adresse aux résidents fiscaux français

Prévoir la transmission à ses petits-enfants de son vivant est tout à fait possible, et même nécessaire, dans la mesure où par défaut, les petits-enfants n’ont aucun droit dans la succession. Mais quels sont les freins à prendre en compte ? Quelles sont les options possibles et quelle en sont les conséquences fiscales ? Découvrez dans notre dossier tout ce qu’il faut savoir sur la transmission aux petits-enfants selon le droit français :


1. La transmission du patrimoine aux petits-enfants peut-elle se heurter à certaines barrières ?

Il existe effectivement certaines barrières mais ces dernières peuvent être levées, au moins en partie, en préparant en amont la transmission.

Tout d’abord, le droit civil français prévoit le mécanisme de la réserve héréditaire qui protège les enfants. Ainsi, il n’est pas possible de priver ses enfants de leur part successorale minimale. Cette réserve peut être vue par certains comme une atteinte à la liberté de disposer de ses propres biens, et par d’autres comme une protection nécessaire des enfants, évitant les frustrations et assurant ainsi la paix familiale.

La réserve héréditaire se calcule en fonction du nombre d'enfants appelés à hériter :

  • 1 enfant : la réserve héréditaire est fixée à ½ de la succession
  • 2 enfants : la réserve héréditaire globale est fixée à 2/3
  • 3 enfants ou plus : la réserve héréditaire globale est fixée à 3/4

Une fois la réserve calculée, l’on peut aisément déterminer la part de son patrimoine dont on peut disposer librement que ce soit par donation ou succession (testament).

Le deuxième frein à la transmission du patrimoine par les grands-parents directement aux petits enfants est la fiscalité appliquée à la transmission. Car si les enfants bénéficient chacun d’un abattement de 100 000 EUR pour la transmission effectuée par chacun de leur parents, les petits-enfants ne bénéficient pas du même avantage. Là encore il existe des solutions.

La troisième barrière s’applique en matière de donations uniquement quel que soit d’ailleurs le bénéficiaire de cette donation (petit-enfant, enfant, tiers). Toute donation que vous pourrez effectuer est irrévocable et il faudra bien veiller à ne pas vous dessaisir d’une partie trop importante de votre patrimoine au risque de compromettre votre niveau de vie/cadre de vie futur (en cas de situation de dépendance par exemple).


2. Comment transmettre à ses petits-enfants de son vivant via la donation ?

La donation répond à un désir de transmission immédiat et pourra ainsi aider vos petits-enfants dans l’accomplissement d’un projet qu’ils envisagent de réaliser à court terme.

Les grands-parents peuvent tout d’abord réaliser une donation d’une somme d’argent à leurs petits-enfants. Il n’est pas obligatoire ici de respecter une égalité stricte entre les petits-enfants dans la mesure où cette donation s’imputera nécessairement sur la quotité disponible de votre patrimoine (celle dont vous pouvez disposer librement).

→ La donation manuelle d'une somme d'argent
Il s’agit de la donation la plus simple à mettre en œuvre La donation est formée par la remise de la somme d’argent au donataire (celui qui reçoit), le plus souvent par virement bancaire, sans aucun formalisme particulier.

Cependant, l’absence de formalisme n’est pas sans générer certains risques. Il est ainsi généralement conseillé d’assortir ce don à minima d’un pacte adjoint qui prévoit un certain nombre de clauses permettant de sécuriser l’opération. La rédaction de ce pacte adjoint doit alors être habile afin d’éviter la nullité de la donation.

D’un point de vue fiscal, les donations de sommes d’argent par les grands-parents aux petits-enfants peuvent bénéficier d’un double abattement, dans certains cas :

  • Si les grands-parents ont moins de 80 ans et les petits-enfants ont 18 ans révolus au jour de la donation, la donation bénéficie d’un abattement « coup-de-pouce » spécial de 31 865 EUR. Ce montant s’apprécie pour chaque petit-enfant, à raison de la donation qui lui est consentie par chacun de ses grands-parents2 (Article 790 G CGI).
  • En complément, l’abattement de droits commun (31 865 EUR) applicable aux donations grands-parents/petits enfants s’applique3.

Ces deux abattements sont renouvelables tous les 15 ans. Au-delà, le barème progressif des droits de mutation à titre gratuit s’applique (de 5 à 45%).

Notons que quel que soit le format de la donation, il est possible pour les grands-parents de prendre en charge le paiement des droits de donation pour le compte de leurs petits-enfants, sans que cela ne soit considéré comme un supplément de donation taxable.

Exemple :

Monsieur Lucas Ribout et son épouse sont mariés sous le régime de la communauté universelle et ont trois enfants : Stéfania, Anne-Lise, et Christophe. Chacun d’entre eux ont 1 enfant. Monsieur Ribout et son épouse souhaitent effectuer une donation de somme d’argent à chacun de leurs petits-enfants. Le montant de la donation qu’ils peuvent effectuer en franchise de droits se calcule de la manière suivante :

  Monsieur Ribout Madame Ribout
  Enfant de Stéfania Enfant de Anne-Lise Enfant de Christophe Enfant de Stéfania Enfant de Anne-Lise Enfant de Christophe
Abattement spécial (EUR) 31 865 31 865 31 865 31 865 31 865 31 865
Abattement droit commun (EUR) 31 865 31 865 31 865 31 865 31 865 31 865
TOTAL (EUR) 63 730 63 730 63 730 63 730 63 730 63 730

 

Monsieur et Madame Ribout pourront ainsi donner chacun 191 190 EUR soit au total 382 380 EUR en franchise de droits de donation.

La fiscalité française favorise plutôt les transmissions du patrimoine des grands-parents à leurs petits-enfants de leur vivant (par voie de donation). En effet les abattements mentionnés ci-dessus ne sont pas applicables en cas de transmission par succession.

 

→ La donation notariée recommandée
La donation en la forme authentique (notariée) est obligatoire dès lors que l’on sort du contexte de la donation manuelle. Par ailleurs, quelle que soit la nature du bien transmis (même pour une somme d’argent), il est recommandé d’avoir recours à un notaire ; ce dernier pourra évaluer toutes les conséquences d’une telle donation ; ce sera généralement le cas si vous désirez transmettre à vos petits-enfants une partie importante de votre patrimoine. La donation notariée est également obligatoire lorsque le bien donné est un immeuble.

Le passage devant un notaire présente l’avantage de l’enregistrement de la donation, ce qui lui confère une date certaine, notamment vis-à-vis de l’administration fiscale. Cela assure également que toutes les donations effectuées du vivant du donateur sont bien rapportées à la succession de ce dernier. Cette opération est nécessaire pour vérifier notamment que les enfants reçoivent leur part légale minimale (la réserve héréditaire).

Du côté fiscal, la forme de la donation ne change en rien son traitement fiscal : les mêmes abattements sont disponibles, le même barème s’applique au-delà.

→ La forme la plus poussée de donation : la donation-partage transgénérationnelle
La donation-partage transgénérationnelle permet d’opérer de votre vivant un partage d’une partie de vos biens en faveur de vos petits-enfants sur une proportion plus importante que la seule quotité disponible. Cela est permis par le fait que lors d’une donation-partage transgénérationnelle vos enfants acceptent que leur réserve héréditaire soit partagée avec leurs propres enfants :

Les avantages de cette donation-partage transgénérationnelle sont nombreux :

  • Elle permet aux grands-parents de décider de l’attribution de leurs biens à chacun de leurs enfants/petit-enfants ;
  • Elle permet de gratifier à la fois les enfants et les petits-enfants, ou alors seulement les petits-enfants (dans ce dernier cas, les enfants doivent tout de même intervenir à l’acte), avec des parts équilibrées ou non ;
  • Elle permet la réincorporation des donations antérieures effectuées ;
  • Elle favorise la paix familiale car la donation est irrévocable et les enfants ont consenti par avance à ce que leur réserve héréditaire soit utilisée par les petits-enfants.

Exemple :

Monsieur Lucas Ribout et son épouse ont trois enfants : Stéfania, Anne-Lise, et Christophe. Chacun d’entre eux ont 1 enfant. Monsieur Ribout et son épouse (âgés de 78 ans) disposent d’un patrimoine total de 1 590 000 EUR.

Ils souhaitent anticiper la transmission de leur patrimoine en opérant un saut de génération et transmettre directement à leurs petits-enfants la pleine propriété de biens d’une valeur totale de 690 000 €.

Compte tenu de leur patrimoine total de 1 590 000 EUR, la réserve héréditaire de leurs enfants est de 1 192 500 EUR (1 590 000 EUR x 3/4). La partie du patrimoine dont ils peuvent disposer au profit de leurs petits-enfants sans porter atteinte à la réserve héréditaire de leurs enfants est de 397 500 EUR (1/4).

La donation qu’ils souhaitent réaliser à chacun leurs petits-enfants (690 000 EUR au total) est supérieure à la part du patrimoine dont ils peuvent librement disposer (397 500 EUR).

S’ils procèdent à une donation-partage classique, les époux Ribout prennent un risque qu’à leur succession, Stéfania, Anne-Lise ou Christophe réclament une réduction de cette donation au motif que celle-ci porte atteinte à leur réserve.

Quotité disponible en donation-partage classique :

S’ils procèdent à une donation-partage transgénérationnelle, avec le consentement de Stéfania, Anne-Lise et Christophe, la réserve héréditaire sera prise en compte pour chaque souche de la famille et non plus pour chacun des enfants pris individuellement.

Ainsi, la souche de Christophe a droit à une réserve de 397 500 EUR (1 192 500 /3). La donation reçue par la souche est de 230 000 EUR, et il n’y a donc plus d’atteinte à la réserve des enfants.

Quotité disponible en donation-partage transgénérationnelle :


3. Comment se prémunir contre le risque de dilapidation précoce de la donation ?

Malgré leur désir de gratification de leurs petits-enfants, les grands-parents peuvent tout de même légitimement se demander si le patrimoine transmis sera utilisé correctement par leurs petits-enfants.

Là encore, il s’agit de bien préparer l’opération de donation : le droit civil prévoit en effet la possibilité d’assortir la donation de certaines charges ou réserves. Par exemple, vous pouvez prévoir la donation d’une somme d’argent sous réserve que cette somme soit employée par vos petits-enfants dans le projet pour lequel ils sollicitent votre générosité. S’il s’agit de la donation d’une somme d’argent non destinée à l’accomplissement d’un projet particulier par vos petits-enfants, vous pouvez prévoir dans l’acte de donation l’obligation d’un emploi de la somme donnée dans actif financier prédéterminé, avec une échéance fixée (par exemple dépôt à terme sur une durée de 3 ans).

Si vous prévoyez de donner un bien de votre patrimoine clairement identifié (bien immobilier par exemple), vous pouvez prévoir également une interdiction d’aliéner ce bien pendant une durée déterminée (jusqu’aux 25 ans de votre petits-fils/petite-fille par exemple).

Enfin, il est également possible d’effectuer une donation à vos petits-enfants assortie d’une réserve d’usufruit à votre profit. Ce type de réserve permet de satisfaire à plusieurs objectifs :

  • Assurer le cadre de vie/niveau de vie du donateur et de son conjoint qui conserve l’usage du bien donné ou les revenus du bien donné jusqu’à son décès ;
  • Assurer un certain contrôle du bien donné : la cession du bien ne peut être effectuée qu’avec l’accord des usufruitiers (grands-parents donateurs) ET des nus-propriétaires (petits-enfants recevant la nue-propriété du bien) ;
  • Maîtriser la pression fiscale de la donation : en effet les droits de donation sont calculés dans ce cas sur la seule valeur de la nue-propriété donnée. Cette valeur se calcule sur base d’un barème fiscal prenant en compte l’âge du donateur à la date de la donation. Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire recouvre la pleine-propriété du bien en franchise de droits de succession.

Couplée à une donation-partage transgénérationnelle, la réserve d’usufruit est un outil très efficace de transmission au petits-enfants.

Exemple :

Si Monsieur et Madame Ribout avaient procédé à une donation-partage transgénérationnelle avec réserve d’usufruit, les droits de donation se seraient élevés à moins de 50 000 EUR au total (contre 90 000 EUR pour une donation en pleine-propriété).


4. Comment transmettre à ses petits-enfants via le testament ?

Le testament présente l’avantage de ne produire ses effets qu’au moment du décès et peut, jusque-là, être modifié ou révoqué à tout moment. D’un point de vue fiscal, les legs par testament restent soumis au même barème que celui applicable aux donations mais les abattements sont beaucoup moins favorables (l’abattement est 1 594 EUR contre 31 865 EUR pour les donations).

En revanche, le legs par testament ne vous permettra pas de léguer à vos petits-enfants une part supérieure à la quotité disponible ; si c’était le cas, vos enfants (en tant qu'héritiers réservataires) pourraient réclamer leur part de réserve dont le legs les aura privés (réduction du legs en valeur4), à moins qu’ils ne renoncent à votre succession


5. L’assurance-vie : une alternative à la donation et au testament

Il existe une possibilité de transmettre à vos petits-enfants via la souscription d’un contrat d’assurance-vie. D’un point de vue civil, l’assurance-vie présente l’avantage d’être « hors succession », ce qui veut dire que les capitaux versés au décès ne sont pas soumis aux règles régissant les successions. Les grands-parents peuvent donc transmettre des capitaux décès à des bénéficiaires qui ne sont pas leurs enfants, sans être gênés par les limitations de la réserve héréditaire des enfants5.

Sur le plan fiscal, si l’investissement sur le contrat est réalisé avant les 70 ans du souscripteur assuré, chaque bénéficiaire désigné en cas de décès aura droit à un abattement de 152 500 EUR applicable sur les capitaux versés par la compagnie d'assurance. Au-delà un taux de taxation proportionnel s’appliquera (20% ou 31.25% sur la part des capitaux transmis excédant 700 000 EUR).

Les principales caractéristiques du contrat d’assurance-vie dans le cadre d’une transmission grand-parent/petit-enfant peuvent être résumées comme suit :

  • Les sommes sont placées sur le contrat par les grands-parents, qui peuvent les reprendre à tout moment en cas de besoin ; seuls les capitaux investis sur le contrat au moment du décès du souscripteur sont transmis aux bénéficiaires désignés ;
  • La transmission aux petits-enfants bénéficiaires s’opère uniquement lors du décès des grands-parents souscripteurs. Cette solution n’est donc pas compatible avec l’accomplissement d’un projet immédiat par les petits-enfants ;
  • Les grands-parents peuvent à tout moment changer les bénéficiaires en cas de décès, selon leur souhait ;
  • Dans la désignation des bénéficiaires en cas de décès, les grands-parents peuvent s’écarter des règles de la succession légale, au moins dans une certaine mesure.

1 Excepté en cas de prédécès de l’un de vos enfants. Dans ce cas, vos petits-enfants viendraient à votre succession en représentation de leur parent prédécédé.

2 Notons que les parents ont également accès à cet abattement pour autant que les conditions sont respectées.

3 Cet abattement s’applique quel que soit l’objet de la donation (somme d’argent ou autre), sans condition d’âge lié au donateur/au donataire.

4 Les petits-enfants ayant reçu une part trop importante devront alors payer une indemnité aux héritiers réservataires (leurs parents).

5 Il est cependant conseillé d’agir avec mesure sur ce point. En effet, si le défunt utilise sciemment le contrat d’assurance-vie pour priver un héritier de sa succession ou en réduire considérablement sa part, nul doute que l’héritier lésé essayera de remettre en cause la volonté du souscripteur assuré.